Comme convenu, je vous propose de retrouver ici la seconde partie de notre entretien avec Aurélie et Nicolas.
Les contrôleurs sont-ils au même niveau d’information que les agents concernant les travaux, les informations sur la vie de la ligne ou les modifications d’horaires ? Comment avez-vous ces informations ? Est-ce que vous avez une radio ?
Aurélie : Oui, on a une radio mais qui nous sert davantage pour la « sûreté »:pour prévenir une équipe de SUGE (sûreté ferroviaire) ou pour appeler les secours. Elle nous permet quand même d’avoir les premières informations après un accident de personne par exemple. Pour toutes les autres informations, comme les travaux, on a les mêmes dépliants que les voyageurs. On est aussi équipé de téléphones, pour nous aider à renseigner les voyageurs. Le problème, c’est que l’on ne capte pas partout, en particulier à bord des trains.
Nicolas : En fait, en situation perturbée inopinée, nous avons très souvent le même niveau d’information que les clients. S’ils nous demandent – ce qui est naturel – à quelle heure le train va repartir par exemple, on ne le sait pas plus qu’eux. Mais des projets sont actuellement en cours pour améliorer les outils d’information de nos contrôleurs. C’est un axe de progrès sur lequel l’entreprise travaille, et duquel évidemment les agents attendent beaucoup.
« En fait, en situation perturbée, nous avons très souvent le même niveau d’information que les clients »
Vous ne faites rien pour les fumeurs !
Aurélie : Sur les cas de fumeurs, on intervient, mais nous ne sommes pas non plus des agents SUGE [la Sûreté ferroviaire]. On préserve aussi notre sécurité, car ceux-ci font très souvent preuve d’agressivité.
Et il faut savoir que seul le flagrant délit permet de verbaliser… et les cigarettes s’éteignent très rapidement dès que nous sommes repérés !
Nicolas : Nous réalisons cependant, dès que c’est possible, des opérations conjointes avec la SUGE. L’année dernière, nous avons fait une période intensive de contrôles, ça avait quasiment fait disparaître les fumeurs sur les quais à Paris-Est. Mais pour cela il a fallu avec la même équipe être présent tous les jours en heure de pointe pendant 3 semaines. C’est un dispositif lourd qui est difficile de reproduire.
Aurélie : Certains fumeurs ont aussi été verbalisés 3 fois dans la même semaine, mais ils ont préféré payer 3 fois, juste pour avoir le choix et le plaisir de fumer sur le quai avant de monter dans le train… Entre ça et la nécessité de prendre ces infractions en flagrant délit, on est forcément un peu impuissant devant ce phénomène.
« Quand on intervient dans la voiture « fumeurs », on fait beaucoup de PV. Mais ils n’ont pas l’obligation de présenter une pièce d’identité. Donc ils peuvent dire ce qu’ils veulent… »
Mais concrètement ça se passe comment pour verbaliser un fumeur ?
Nicolas : Si l’individu est surpris avec une cigarette allumée, dans certaine gare ou à bord, l’individu a deux possibilités. Régler une indemnité forfaitaire de 68€ ou présenter une pièce d’identité (encore faut il accepter de la présenter…) et là se rajoute 30€de frais de dossier concernant le PV.
Aurélie : Quand on intervient dans la « voiture fumeurs », on fait beaucoup de PV. Mais ils délivrent leur identité à l’oral et n’ont pas l’obligation de présenter une pièce d’identité. Donc ils peuvent dire ce qu’ils veulent…
Nicolas : Dans ces cas-là, on contacte le PCNS (Poste de Contrôle National Sûreté), pour avoir l’appui de force de police à l’arrivée du train, pour interpeller la personne. Comme je l’ai dit, il faut forcément l’autorisation d’un officier de Police Judiciaire pour interpeller le fumeur et le contraindre à suivre les contrôleurs et à justifier de son identité.
Aurélie : Avant on avait quand même souvent l’aide de la police. Il y avait des agents en civil qui s’installaient dans la voiture fumeurs et à notre arrivée pour le contrôle, ils nous indiquaient les fumeurs à verbaliser ! Ou parfois ils venaient après que l’on soit rentré dans la voiture. C’était très efficace ! Mais avec l’état d’urgence, ils sont sollicités ailleurs maintenant.
Quand vous montez dans un train, des personnes vous ont aperçus et descendent : pourquoi ne pas superviser jusqu’à la dernière seconde ? Et si vous voyez quelqu’un qui vous surveille, vous allez directement le contrôler !
Nicolas : Je vois bien la situation, mais on ne peut pas faire ça. Parce qu’au final ça revient à une sorte de sélection, un « délit de faciès » alors que nous devons être équitables et contrôler tout le monde de la même manière. On ne peut pas « repérer » quelqu’un et viser quelqu’un en particulier parce qu’il ou elle a « l’air » d’avoir un comportement louche. C’est parfaitement contraire à notre déontologie.
Je comprends que côté voyageur on puisse dire « moi je les vois bien les fraudeurs ». Mais nous, on ne peut pas agir comme ça. On a plus de contraintes dans notre comportement, et dans nos interventions. Et c’est très bien, il faut une discipline pour être équitable, on ne va pas encourager les agents à s’en départir.
« Il n’y a pas du tout de formation de self défense ou de combat. Ce n’est pas notre métier. »
Pourquoi vous n’osez pas approcher les personnes qui vous font peur ? Êtes-vous formés à vous défendre en cas d’agression ?
Aurélie : On ne peut pas toujours appréhender, anticiper la réaction de certaines personnes. Donc si j’ai le moindre doute, je ne vais pas me mettre en danger. Je pense que c’est légitime. Je ne suis pas militaire, je ne suis pas policière non plus. On a une formation pour savoir se mettre en sécurité en cas d’agression – pas pour prendre part physiquement à une confrontation.
Nicolas : Il n’y a pas de formation de self défense ou de combat ou quoi que ce soit de ce genre. D’ailleurs ce n’est pas notre métier. Pas plus qu’un banquier par exemple. Notre métier c’est le contrôle mais aussi la sécurité des voyageurs, l’assistance et la prise en charge, ou encore la prévention et la sensibilisation aux incivilités.
« Un jour, un client m’a assuré qu’il ne pouvait pas sortir son billet… parce qu’il y avait de l’amiante dans son sac »
Comment êtes-vous accueillis par les voyageurs?
Nicolas : En général, ça se passe bien quand même ! Après, ça arrive bien sûr que des voyageurs soient mécontents et qu’ils nous le fassent savoir. Mais c’est plutôt lié à la régularité des trains, et comme on est là, c’est à nous qu’ils s’en plaignent. Ils savent qu’on ne peut pas y faire grand’ chose, mais on représente l’entreprise, donc c’est logique de venir vers nous quand quelque chose ne va pas. On essaie d’aider, d’orienter vers une solution s’il y en a…. Pour nous, c’est un peu pareil que pour eux : quand la régularité est bonne, le travail est bien plus agréable. Pas seulement parce que les gens sont moins susceptibles d’être agressifs, mais parce que les trains peuvent être moins bondés aussi.
Aurélie : Chez les fraudeurs qu’on verbalise, on tombe aussi sur des numéros parfois, qui peuvent égayer une journée ! Un jour j’ai contrôlé une personne qui n’était pas en règle, je lui ai demandé de me justifier son identité , il m’a sorti un ancien PV et je me suis rendu compte qu’y avait des incohérences avec ce qu’il venait de dire oralement. Lorsque je lui ai fait la remarque… il a immédiatement mangé son ancien PV !
On a aussi droit à des excuses improbables parfois ! Un jour, un client m’a assuré qu’il ne pouvait pas sortir son billet… parce qu’il y avait de l’amiante dans son sac… Bon, je lui ai dit que ce n’était pas grave et que je voulais bien prendre le risque !
Nicolas : Dans les déclarations d’identité, nous avons très souvent des célébrités : des maires de commune en activité, des Jacques Chirac, des Mickey Mouse…
Merci à tous les deux d’avoir répondu à toutes les questions !
Nicolas : Je voulais juste dire que c’est important que les voyageurs comprennent qu’on attend la même chose qu’eux : un service de qualité. Pour y parvenir, à notre niveau on a un rôle à jouer. Les contrôleurs font simplement leur travail. Et puis, limiter la fraude, c’est un enjeu pour avoir un service de qualité derrière.
Aurélie : Notre objectif principal, c’est de limiter la fraude mais concrètement on partage le quotidien de nos voyageurs tous les jours, et ils partagent le nôtre. On est ouvert sur ce qu’on peut faire mieux : parfois ça passe par de nouveaux outils, parfois aussi par des choses que remarquent les clients dans leurs trains, et dont ils viennent nous parler. Si ça peut passer par le blog, pourquoi pas ?
J’espère que ce billet aidera, sur le sujet du contrôle et plus généralement de l’accompagnement des trains, à mieux comprendre le contexte dans lequel les contrôleurs travaillent. Et pourquoi pas, en effet, à engager une discussion avec eux sur le long terme si vous avez des observations, à votre niveau, qui vous paraissent utile à confier aux équipes.
Déjà, on voit qu’avec la loi Savary, ce sont un certain nombre d’améliorations importantes qui vont arriver, ou du moins, dont les agents attendent un vrai impact. Nous en reparlerons d’ailleurs ensemble quand le décret d’application sera passé, car ce sera intéressant d’avoir votre regard sur ce qui évolue (ou pas !) autour de vous.
Et pour découvrir encore un peu plus ce métier, nous proposons aux 3 plus rapides d’entre-vous une demie-journée « en immersion » avec une équipe de contrôleurs. Pour participer, il vous suffit d’envoyer à cette adresse : malignep@sncf.fr un mail avec votre nom/prénom/adresse mail et N° de téléphone.
Le 06/07: Bravo aux 3 participants à la demi-journée en « en immersion » avec une équipe de contrôleurs!
A lire également: La 1ère partie de notre entretien avec Aurélie et Nicolas.
Bonjour
J aimerais juste rebondir sur l article concernant la cigarette… Comment voulez vous que les usager ne soit pas tenter de fumer sur les quai quand meme le personnel sncf ne respect pas cette regle et je sait de quoi je parle je l ai vue a plusieur reprise de mes propre yeux
tout à fait , très souvent à la gare de Meaux
Bonjour,
Vous avez plus d’informations sur l’interdiction de fumer sur les quais à l’air libre ici: http://malignee.transilien.com/2016/07/05/metier-de-controleur-suite-de-entretien-aurelie-nicolas/#comment-8447.
Pour ce qui est des abris, bâtiments, trains et quais des gares parisiennes pas d’ambiguïté il est bien interdit de fumer.
Bonjour,
Pour ma part, je confirme avoir déjà vu du personnel SNCF fumer sur le quai de la gare de l’Est, notamment certains accompagnateurs du train pour la Ferté Millon de 17h05.
Bonjour,
Une question sur les contrôles. Il arrive que bien souvent (en gare de l’Est pour ma part) des personnes qui n’ai pas de titre de transport nous colle pour passer derrière nous, et ça même si l’on fait attention. Une de mes collègues, qui elle est en gare du Nord, s’est déjà fait interpeller par des contrôleurs en lui disant que c’était à elle de faire attention et qu’elle était amendable.
Alors ma question : est-il vrai que le possesseur du Navigo est amendable si un resquilleur passe avec cette personne? Cela serait vraiment injustifié!
Bonjour @AuroreC, un possesseur d’un Pass Navigo est « amendable » s’il laisse passer intentionnellement quelqu’un avec lui.
Maintenant je suis d’accord avec vous certains individus, n’ont même pas la courtoisie de demander et passe avec vous sans prévenir!
La situation vécue par votre collègue est très regrettable mais reste exceptionnelle, en effet les contrôleurs ont l’habitude et savent bien faire la différence entre un passage forcé et un passage intentionnel.
J’ai participé à cette matinée, qui était très intéressante et où on a pu vraiment découvrir le travail des contrôleurs. On a observés le déroulement d’opérations de contrôle entre Meaux et Vaires, on a pu découvrir leurs méthodes, outils de travail… C’était vraiment très instructif.
Merci donc à Laetitia ainsi qu’aux agents de l’ECT qui nous ont accueilli ! 🙂